3 janvier 2011

Madame Bertrand Meunier

12 janvier.
J’aime ce nom. Je l’arbore fièrement depuis quelques heures. Sa femme. À lui ! Qui l’eut cru ? Il est tellement parfait ! Qui aurait pu croire que moi, moi, je m’extasierais devant quelqu’un ? Que je me pâmerais, bredouillerais à sa venue, frémirais à son contact… Moi ! Personne. Personne n’aurait cru cela. Et pourtant me voilà. Heureuse et amoureuse. Éprise de mon époux. Lui… Ce soir sera-t-il enfin Le soir ? Mon soir ?

15 janvier.
Éprise, et prise. Je l’ai connu, enfin. Sa fougue n’a eu d’égale que la mienne. Il m’a rendue folle à me faire attendre ainsi. Il m’avait dit à notre première rencontre qu’il attendrait le mariage. Comme si j’étais vierge ! Et jour après jour, il était plus charmant, plus charmeur. Plus désirable. Plus désiré. La nuit de noce même, il ne m’a pas touchée. Ou trop peu. Des caresses légères, encore. Et je n’ai pas protesté, non. Je l’ai supplié du regard. Alors il est sorti. Je suis sienne !

18 janvier.
Il se joue de moi, je crois. Il me regarde à peine, m’ignore. Il ne m’a pas retouchée depuis l’autre jour. J’attends. Je m’apprête pour lui. Je me pomponne, et je l’attends. Je l’attends à chaque heure du jour et de la nuit. Je ne comprends pas cet homme qui est le mien. Le mien… Est-il vraiment autant mien que je suis sienne ? Qui est cet homme dont je porte le nom ? Je ne sais rien de lui, rien. Et je n’en ai cure. Qu’il vienne, par pitié, qu’il vienne !

21 janvier.
Mais oui ma belle, je suis venu. Je t’ai donné ce que tu voulais, encore et encore. Et je n’ai terminé que bien après que tu m’aies demandé de cesser. Bien après. Tu ne disais plus rien. Prostrée. Tu pensais vraiment, mademoiselle-je-regarde-le-monde-du-haut-de-ma-supériorité que tu t’en sortirais ainsi ? J’ai aimé voir les larmes dans tes yeux. J’ai adoré cela. Tu ne parles plus depuis trois jours. Pourtant, je viens te voir, je m’occupe de toi. Tout le temps. À demain. Je t’expliquerai.

22 janvier.
Tu comprends mieux ma chérie ? Ma petite femme. Mienne, hein. Je te prends au mot. Je te prends tout court, d’ailleurs. Je sais bien que tu n’étais pas vierge, allez. Il fut même un temps où je me serais contenté d’un regard de ta part. Un simple regard. Un mot, un sourire. Cela m’aurait suffit pour la vie entière. Mais si. Bertrand. Rappelle-toi. Si je te parle comme ça, ça ne te dit rien ? Mais oui, je bredouillais ! L’amour que veux-tu ! L’amour !

Avec les lunettes… Non ? Ça ne te revient pas ? Pourtant, tous tes devoirs que te passait ta copine, c’est moi qui les faisais. Et pas même un merci. Jamais. Alors j’ai fait du sport. Ce corps que tu aimes tant n’est sculpté que par la haine que je te porte. Je t’ai toujours aimée. Toujours. D’ailleurs, parait que la haine est si proche de l’amour qu’on ne peut pas toujours les dissocier. Je t’aime, mon Amour. Et toi… M’aimes-tu toujours autant ?

25 janvier.
J’arrive à nouveau à me lever. Il m’a brisée. Je vais demander le divorce, je crois. Je ne crois pas. Je ne sais plus. Il n’est pas revenu depuis qu’il a écrit.  Je l’entends. Il reste derrière la porte. Est-ce moi qui ai créé ce monstre ? Est-il vraiment un monstre ? Je vais partir. Je vais rester. Je ne sais pas. Madame Bertrand Meunier. Ça sonne bien, non ? Je vais rester. Je l’aime. Au secours !

5 commentaires:

Castor tillon a dit…

Prenez une belle petite dinde, farcissez-la de suffisance et d'une bonne dose d'indifférence. Ajoutez un parfum de convoitise et servez avec un glaçage de besoin de reconnaissance.
Faites-la revenir !

Yunette connait la recette pour punir les vilaines. Il lui suffit d'un peu de psychologie, de beaucoup d'empathie, et d'un beau brin de talent de narratrice.

Bon, le mec est un salaud aussi. Qui se ressemble s'assemble.

Castor tillon a dit…

Ben y a plus d'illustrations de Nanako-aux-cheveux-roses ?
T'écris trop vite pour elle, ou quoi ?

Yunette a dit…

Et oui, monsieur et madame sont de beaux enfoirés, ils vont bien ensemble, en fait.

Ben en fait, je choisis parmi ses photos, celles qui correspondent ou me parlent. Là elle est en pleine période zombies, tout plein de rouge partout, j'aime pas. Donc, rien pour vous !

Castor tillon a dit…

Sinon, tu mets l'illustration de "Rien qu'une paire" sur tous les textes, moi ça ne me dérange pas.

Yunette a dit…

ça se savoure, mon cher.