11 avril 2009

Songe et vérité

La mer est sans routes, la mer est sans explications. Tu es pourtant parti la parcourir, telle une route et avec moult explications. « Je t’aime mais tu comprends, la mer, c’est ma vie… Je ne peux m’en séparer, mais je reviendrai, c’est une promesse, je reviendrai. » Mensonge ! Chaque jour je m’en suis venue sur cette plage, contempler l’horizon, espérer ton retour. Chaque jour les gens m’observaient, me dévisageaient, moi… et mon chapeau de paille, quel que soit le temps. De jour en jour ils m’ont regardée plus en détail avec cette protubérance que je ne pouvais plus cacher. Et mon regard sur l’horizon. Et ces gens autour, ces gens qui passent et qui ne voyaient pas. J’aurais aimé être de ceux qui insouciants profitent de la mer, des vagues… vaquent à leurs châteaux de sable et dégustent quelques crèmes glacées.
Tu m’as menti. Tu n’es jamais revenu de ce voyage hors des routes. Tu ne m’as jamais donné de nouvelles après avoir mis ton bateau à l’eau. Jamais.

Ma protubérance a disparu. Elle s’est faite toi. En plus petit, plus jeune aussi. J’ai appris à t’aimer à nouveau, à te pardonner à travers lui. Je t’ai, je l’ai, je vous ai étreints à chacun de vos, de nos, de mes chagrins. Amour. Amours. Tu manques à mes bras, tu manques à mes jambes. Ton souffle sur ma nuque, rien que d’y songer j’en frissonne encore. Les yeux clos, je revis cette dernière étreinte de nos corps ébahis. Soupir. Les mains plongées dans le sable, le fouillant, la caresse du soleil sur ma peau, une légère brise te rappelant à moi. Oh… Tu me manques mon menteur adoré. Et tu me manqueras à jamais.
Emplie de mon plaisir inassouvi, j’ouvre lentement les yeux. Toutes ces années à la même place ont eu raison des passants. Ils ne m’observent plus et heureusement. Ce moment intense de faiblesse où l’amour de l’éternel absent a empli mon âme est passé inaperçu. Je replie mes jambes devant moi, les enlaçant, frissonnante sous ma légère pellicule de sueur exacerbée par cette brise qui s’insère sous ma robe légère. Ma serviette d’habitude si parfaite est froissée, j’aurai les pieds sablés. Le menton sur mes genoux, j’observe la marée humaine. Tu ne reviendras pas. Jamais. Il faut que je me fasse à cette idée. A côté de moi, le chapeau de ton sosie. Cet enfant que tu m’as laissé. Cet amour que tu as obtenu par procuration. Ou serait ce lui que j’ai aimé à ta place ? Mal aimé ? Difficile question.
Retour à la réalité. Où est-il ? « Maman, je vais jouer juste là devant ! » Toute à mon abandon, je l’ai perdu de vue. Je l’ai oublié. Comment pourrais-tu me pardonner la perte de ton enfant ? La mer, la mer l’a pris à la mère que je suis ? Le père ne lui a pas suffit, elle a voulu prendre le fils avec ? Mère cruelle, rends le moi ! Je me lève chancelante, mon chapeau emporté par une bourrasque roule sur la plage. Les cheveux défaits, hagarde, je tourne sur moi-même, les yeux fixés sur l’horizon. Lui, pas lui… pas toi ! Tout ce qu’il me restait de toi, de vous de… Non !

Une main fraiche sur mon avant bras, mon regard qui se baisse. Toi, non lui, enfin, Toi, mon enfant, mon Amour, Toi, mon chapeau à la main qui me regarde quelque peu inquiet, les yeux brillants, débordant d’amour. «Maman!» Mon cœur fond.
Intense instant.

2 commentaires:

Chrysopale a dit…

Ca m'a refait des frissons partout.

L'atmosphère est bien rendue, très beau texte. On s'y croirait, à la plage, avec eux, sentir l'inquiétude de la mère...

Lunatik a dit…

Je ne l'avais encore jamais lu celui ci.
Très beau...