9 août 2008

Borsalino

Quand j’étais jeune et con, tiens, tout comme toi petit ; quand j’étais jeune et con donc, je m’imaginais finir riche, je rêvais d’être un mafioso sans scrupule, de porter un costume trois pièces agrémenté d’un borsalino…

Ah, ce que j’aurai aimé diriger une famille, qu’on vienne me baiser la main en m’appelant « Parrain » et que même le Pape me respecte ! Mais je ne suis pas né dans la cuisine du diable et les seules mafias que j’ai vues se trouvaient sur une toile de ciné du quartier Montparnasse. Les Don Corleone dont j’avais toujours été le plus grand admirateur n’étaient que des acteurs. Mais quels acteurs ! Brando, de Niro, Pacino (que des O !) des hommes à l’image des mafiosi tels qu’on se les représente ! Ah ça oui, j’aurai aimé, mais voilà, je suis né en 45, alors comme tant d’autres, j’ai passé mon certificat d’études et je suis resté à Paris, là où j’avais grandit.

J’en étais proche de tous ces grands ! Je n’aurai pas pu faire plus proche, j’étais devenu Projectionniste. Et toujours au Montparnasse. Bon, ce n’est plus la même petite salle, ils nous ont mis un truc énorme, « Gaumont-parnasse » ils appellent ça. Et le rythme n’est plus le même, il y a tellement de films que je ne peux pas tous les connaitre, j’aimerai bien pourtant, comme à mes débuts, passer en boucle le même film et ce pendant six mois. Maintenant je n’ai plus le temps d’apprécier, cinq nouveaux films par semaine, une vraie boulimie créative !

Je suis sûr que toi, gamin, tu n’as jamais entendu le célèbre « You’re talking to me ? » autrement que dans « la Haine » qui soit dit en passant n’est pas si mauvais, même pour un vieil inconditionnel comme moi. Je me trompe ?

En attendant la retraite, à chaque congé, je me réfugie au Luxembourg où je file des coups de canne aux passants, comme dirait l’autre, bien qu’ils ne mangent pas de pain.

Le gamin observe le vieux en coin, l’écoutant raconter sa vie – ça fait passer le temps – il s’imagine vieux lui-même, faisant le décompte de sa vie à un jeune con, assis sur un banc, au Lux. Il ne sait pas encore comment il sera, ce qu’il lui contera au gamin, pour l’instant il est en seconde Gé, pas fixé, pas encore prêt, peut-être. Et puis, il a le temps non ? En tout cas, il le croit. Il est encore persuadé d’avoir l’avenir et le monde – l’avenir du monde ? – entre ses mains. Bon il n’est pas dupe hein, au fond de lui, il sait bien qu’il ne l’a pas vraiment. Enfin, il s’en fout, ou pas, d’ailleurs, ou pas.

Mais merde, c’est vrai quoi, ça lui colle des sueurs tout ça. Il fera quoi de sa vie ? Ca l’énerve le môme, une journée gâchée par des doutes à la con, il ne va plus pourvoir penser à autre chose. Il n’y a bien que des vieux ratés pour vous foutre le blues. Il commence à broyer du noir sévère, et ça le saoule, par ce beau temps d’avoir le moral dans les chaussettes ce n’est vraiment pas son truc. Au moment où il se lève, une dernière phrase du vieux projectionniste le sort de sa réflexion et lui redonne le sourire :


J’suis content quand même… J’ai réussi à l’avoir mon borsalino !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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